"A toi nous tous" |
J’ai mal à ma chair, moi, la Terre J’ai mal à ma chair chaque fois qu’un frère blesse un frère J’ai mal à ma chair, moi, ta Mère, J’ai mal à ma chair chaque fois qu’une once d’amour se perd Je ressens tes cris, tes râles et tes coups, Je ressens où tu meurs et aussi là où tu me troues Je ressens tes tissus, ton sang dans ma boue Tu me crois inerte, tu te trompes, je vis tout Je vis la peur de ceux que les prédateurs traquent Je vis la douleur, les coups et les matraques Je vis l’exode en masse, l’effroi des clandestins Je vis la nuit sans fin de ceux qui n’ont plus de matins Je vis les mots qui claquent, qui torturent, qui rendent fous Je vis les haines au ventre, les silences qui rongent tout Je vis l’usure, la sueur, le sperme le sang la vie, Je vis je lave je frotte tes plaies ouvertes dans mon oubli Je ravaude tes brèches et tes fractures sociales Je transmute tes déchets dans mon corps de toi sale Je t’ai tout pardonné, tout ouvert, tout permis Quoi que tu fasses, sache-le, tu restes mon enfant chéri A toi j’ai tout donné, ici, comme à chaque-Un Et je donnerai encore jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un Plus un exclu, plus un bafoué, plus un violé, plus un trahi, Plus un chassé, plus un vendu, plus un captif, plus un banni, Plus un au ban sous les haubans du droit de tous à être libres Je t’ai porté et te supporte, jusqu’à ce qu’enfin ton cœur vibre Tu apprendras, tu es doué, lent à quitter l’ornière de tes erreurs Mais inventif et bon aussi, persévérant, et je sais que viendra ton heure De tout mon être, j’ai foi en toi, chaque seconde en toi j’espère, Enfant béni et fou, pur amour-joie, chair de ma chair.
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Texte : Sylvie Ptitsa * Peinture : Anaël Azuria (Azuria Artwork)
A paraître dans l'ouvrage collectif : "Arrêts sur images"